C. YAHIA. "Ningyô".

 

" J’ai entreposé mes pâles poupées

De solitude

Dans un sanatorium désaffecté

Propre

Comme une morgue désinfectée"



Ningyô

 

 

J’ai entreposé mes pâles poupées

De solitude

Dans un sanatorium désaffecté

Propre

Comme une morgue désinfectée

 

Mes petites mortes

Au corps de vulve épilée

Et au sexe d'eunuque

Vivent nues

Sous la lumière douloureuse des néons

 

Sur des étagères laquées

Leur corps d’adolescentes prénubiles

Adoptent les contorsions anatomiques

De mes désirs agacés

 

On peut les écorcher

On peut les brûler

Les hachurer

Les taillader au cutter dans le sens de leurs invisibles veines

Leur inventer des orifices aberrants

Leur échancrer des lèvres inouïes

Il n’y a rien dedans ni organe ni sang ni tressaillement

Que du plein et du mascara

Jamais d'amour :

En cela trop indifférentes

 

Créatures lointaines

Aucun coup

Aucune blessure

Aucun baiser

Ne vous ramène

De votre coma cosmétique

On a beau les fouiller

Aucune vérité

Le temps ne les habite pas

Elles sont trop occupées à œuvrer

A n’être littéralement et inutilement qu’elles-mêmes

En même temps qu'absentes

 

Jeunes filles-prothèses

Fête de mortes

Infantes orphelines

Drogue sans ivresse

 

Vos yeux de cadavre de biche

Jamais

N’expriment la moindre émotion

Vous ne me voyez pas

Vos yeux vivent à la surface de vos yeux

Meurent à la surface de vos yeux

 

Des nuits entières je contemple votre impassible immobilité

Nébuleuses faussement précises

Lunes virtuelles

Cimetières de mes yeux

 

Bijoux de latex

Filles de Bouddha

Poupées sans âme

Derrière la vitrine de mes yeux

Dites-moi ce que contient mon âme

Vous qui du nulle part et du jamais et à jamais êtes nées


 

Christophe YAHIA

est poète, philosophe et mauvais esprit.