FS : Vous dites que vous n’avez pas d’apriori sur le fait que ça désigne ou dessine quelque chose mais le mur que vous avez fait au Mac/Val a plus de puissance physique pour le spectateur, du fait de la répétition, dans le fait ce que ce soit systématique.
Si c’était un personnage, il a une force aussi, mais il l’a perdrait vous ne croyez pas ?
CJ : Je souhaitais au départ que ce soit une partition, comme il est dit en musique. Des lignes et des taches se juxtaposent. Chaque trace se chevauche et devient progressivement évasée je viens de le dire. C’était un choix accepté par le commanditaire. Je pouvais penser autre chose comme tracer une chaîne de montagnes grandiose ou un immense paysage sur cette surface. L’ombre des brûlis aurait été toujours hypnotique par le contraste noir/blanc. Je n’ai pas l’idée d’avoir une marque de fabrique ; sinon le hasard ne serait plus hasardeux et n’aurait plus sa part de créativité.
À partir du moment où je sais faire, comment faire autrement et défaire ce que je sais faire. Sans doute est ce le rôle de l’artiste qui explore de se poser la question. Toutes choses égales par ailleurs c’est délicat car le public, se dit « il a changé, il n’est plus le même, il est bien ou moins bien » Peu importe, les faits et les gestes s’enchaînent et c’est ainsi. Il n’y a pas de stratégie de la trace entre les figures, les partitions et autres thèmes.
FS : Je n’imaginais pas ça. Votre carrière est admirable pour ça, car vous variez énormément. On aurait pu imaginer que vous fassiez des nœuds et que vous basculiez vers d’autres choses. Ce qui me faisait vous demander ça, je l’ai retrouvé, c’est avec Bernard Millet, il vous pose la question : « Tu as toujours déclaré que tu ne voulais pas dans ton travail d’artiste que la fonction narrative soit présente et tu ne voulais pas qu’il y ait d’états d’âmes. » C’est pour ça que je vous disais que j’avais eu l’impression que votre recherche était comme une façon d’éviter ce narratif systématiquement. Voilà le pourquoi de ma question sur la montagne.
CJ : Revenant à cette question du hasard et à ses avatars il agit sans doute sur mes états d’âme forcément bousculés. Pour en revenir à la publication des Conversations* dans lesquelles le lecteur s’informe et comprend comment l’énergie amorphe appelée aussi force d’inertie produite par le règne des nœuds et entrelacs est le corollaire de l’énergie fulgurante dégagée par la dynamique du feu sous divers aspects ; comment ces deux phénomènes, ces deux axes antinomiques par leur nature respective et qui ont des énergies complémentaires et indispensables président à l’équilibre des règnes du vivant ? Si nous regardons une voie ferrée avec ses deux rails ; sur l’un est situé l’entrelacs des nœuds et sur l’autre le feu. Ils se côtoient parallèlement, feignent de se rejoindre, ne peuvent fusionner et ont besoin néanmoins d’exalter réciproquement leur force mutuelle pour instaurer l’équilibre indispensable de l’œuvre - et pour filer la métaphore - des expressions du vivant. Pour moi l’équilibre des règnes animal et végétal ne peut se traduire justement qu’entre les nœuds générateurs de réseaux et la lumière produite par l’énergie du feu. C’est cette espèce de va-et-vient continuel, tel un métronome - y voir les métaphores certes assez singulières je le redis - mais c’est ce paradigme que je souhaite développer dans l’œuvre. Et cette hypothèse de travail s’affirmant progressivement elle continue à s’imposer. C’est complexe parce que ça n’a plus rien à voir avec les formes de représentation quelconque - quid d’une figuration ?- qu’on pourrait imaginer autrement, la façon dont les nœuds s’élaborent, prolifèrent et que je nomme « outils » ; et la manière dont je conditionne et mets en œuvre l’énergie des flammes produite par des matériaux inflammables.
A ce propos, je ne m’occupe pas du chalumeau déjà repéré dans l’Histoire de l’art et bien plus utile aux plombiers…
PREFIGURATIONS est aussi une association evryenne.
ICI