F.S :A propos de Tommy Lee Jones vous dîtes “dans la façon de le filmer je vais m’adapter à son type de jeu “.C’est par les répétitions avec les comédiens? que ….
B.T : avec Tommy les répétitions on n’en fait pas beaucoup, avec lui ça durait parfois une minute quinze, , il disait je vais me mettre là ,là, généralement il avait toujours raison, et puis je voyais bien il avait tellement les intentions du personnage qu’à ce moment là tout marchait.
F.S : C’est de vivre avec les comédiens qui vous fait voir mieux ce qui pourrait le mieux leur aller ?
B.T : C’est sentir ce qu’ils ont en eux parce que je pourrais vivre avec eux et uniquement utiliser ce qu’ils me donnent mais je sens qu’ils peuvent me donner autre chose , tous les rôles de Noiret qu’il a fait avec moi sont différents les uns des autres, à chaque fois il a des couleurs différentes, il a une manière de parler différente, il explore des sentiments différents, il n’y a pas de personnages plus loin de L’horloger de Saint-Paul que le juge du Juge et l’assassin que le policier de Coup de torchon , là c’est radicalement différent mais c’est parce que je le connais que je sais qu’il peut encore aller dans des directions où je ne suis pas encore allé avec lui, et ça vous le sentez
F.S : Vous avez choisi François Hadji-Lazaro , le chanteur de Pigalle pour jouer un curé dans La passion Béatrice. vous le voyez comme musicien et ensuite vous vous dîtes tiens il faut que je lui propose un rôle. vous le voyez comme musicien et ensuite vous vous dîtes tiens il faut que je lui propose un rôle.Vous le voyez comme musicien et ensuite vous vous dîtes tiens il faut que je lui propose un rôle?
B.T : oui, il a une tête formidable, je trouve immédiatement qu’il ferait un moine du moyen-âge absolument fracassant, voilà ce sont des coups d’inspiration et il était très très bien.
Si je choisis un visage c’est un paysage, un visage c’est aussi un révélateur de beaucoup de choses, ce n’est pas pour rien qu’il y a des peintres qui ont passé leur vie à faire des portraits et à percer le mystère du portrait et puis l’accent ce n’est pas simplement une question de vérisme. Robert Michaux me disait un jour la même chose que disait Tom Lee Jones, il disait, l’accent ce n’est pas seulement un accent c’est une manière de se comporter, quand vous prenez l’accent de Louisiane vous marchez d’une certaine façon, vous bougez d’une certaine façon, le débit de vos phrases va faire que vous n’allez pas vous déplacer de la même façon que si vous étiez dans une rue de New York, vous allez avoir quelque chose de différent, votre démarche va être différente.Tout va être différent, vous vous soudez à ces lieux, vous faîtes partie de ces lieux, de l’histoire de ces lieux, vous portez avec vous les bayous, tout ça et c’est extrêmement important, il faut se méfier de rechercher ce qui est le vérisme, je n’aime pas beaucoup le vérisme, je préfère trouver la vérité, c’est la même chose que la note juste en musique, la note juste c’est d’avoir l’harmonie exacte, cela va vous révéler le cœur, l’émotion d’un morceau. C’est pareil pour un accent.C’est aussi une preuve du respect que vous portez à des gens, à une population.
F.S : La touche d’exotisme ferait quelque chose d’ un peu décoratif, ce que vous voulez éviter le plus possible
B.T : oui, mais je veux aller plus loin tout d’un coup il y a une vérité humaine, sociale et il faut commencer à la respecter, si vous ne la respectez pas vous allez plus loin comme dans certains films américains où un rôle d’une chinoise est joué par une japonaise parce que pour les américains c’est deux jaunes ! Or les Asiatiques ont été hyper choqués quand Mickael Cimino dans »L’année du dragon » met une japonaise dans le rôle d’une chinoise parce que eux le voient
Il faut faire attention, il y a une manière de se comporter chez les gens , il faut faire attention à la vérité qui compte pour eux et les respecter, et cette vérité elle est source de petits détails intéressants, moi ça m’intéressait que dans « Conan » on entende à trois ou quatre reprises plein d’accents différents de provinces, on entend des accents du sud-ouest, je n’ai malheureusement pas eu d’accent alsacien, je n’ai pas trouvé d’acteur ; à un moment il y en a un qui parle avec l’accent du Nord, il y en a un qui parle avec l’accent parisien, à ce moment là la France était extraordinairement provinciale donc il y a des gens qui parlent en occitan à un moment, ça ça m’intéresse même si c’est trois phrases, mais ça me donne l’équivalent de ce que je vais trouver dans les livres de Jules Romain, de Kessel, tous les romans qui parlent de la guerre de quatorze et qui montrent que tout d’un coup dans un régiment il y avait une escouade de Picards ,où tout le monde parlait Picard ou Duneton . Il y avait un groupe de gens qui parlaient patois entre eux si bien que les officiers étaient énervés, et parler patois était interdit, on avait interdit le patois, je trouve que tout d’un coup vous touchez du doigt une vérité dont on n’a pas idée maintenant, si vous pouvez la faire sentir, c’est intéressant.
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