Bastien a la trentaine. Il a passé son enfance en Corrèze dans un hameau isolé, au sein d’une famille aimante. À huit ans il tombe amoureux de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui
disparaît peu après dans un accident de voiture. N’ayant pu consacrer sa vie à ce garçon, Bastien la consacrera aux hommes que le hasard mettra sur sa route.
Bastien est régisseur de théâtre, il aime aussi l’escalade, quand il n’est pas sur les plateaux il affronte les à-pics des grands causses de Lozère. En outre, depuis l’enfance, il s’habille
parfois en fille pour voir comment le monde alors apparaît et répond. Enfin il arrive qu’il ne soit ni au théâtre ni au grand air, ni habillé en garçon ou en fille, mais nu dans quelques films
pornographiques qui lui permettent d’allier l’utile à l’agréable.
C’est dans un de ces films que je l’ai vu pour la première fois. Je ne me suis jamais remis de la liberté insolente de sa présence.
Devant l’écran où je me tiens caché, à l’ombre de la lumière que Bastien projette, sans fin j’interroge le mystère de son apparition, le sens qu’elle confère à ma vie. Je tente ici de deviner
tout ce que les films où je le vois s’ébattre dérobent à ma vue (son enfance, son travail, sa famille, ses amours, ses habits), me laissant dans l’exercice conjugué du regard et du désir, dans la
contemplation d’un portrait lumineux et brutal à peaufiner pour les jours, désormais proches, où l’ombre gagnera.