Préface de Jacques GUYARD

Le département de l’Essonne atteint cette année ses 60 ans. C’est jeune pour une institution territoriale, surtout dans une région d’Ile de France qui a connu pendant ces soixante années une série de mutations qui en ont bouleversé les paysages, la sociologie, les activités, et donc la vision que les habitants ont de leur environnement.
La difficulté à construire une identité collective est encore plus forte pour les départements issus de l’éclatement de l’ancienne Seine et Oise, qui ont été rejetés de la Métropole du Grand Paris, et qui ne bénéficient que très marginalement des grands équipements qu’elle a suscités, comme le Grand Paris Express. Depuis des siècles pourtant, le territoire essonnien a intégré les conséquences du développement de la capitale : grandes propriétés seigneuriales d’ancien régime, avec leurs châteaux et leurs grands domaines, souvent devenus grandes propriétés de la haute bourgeoisie parisienne au XIXe siècle, et modèles d’une exploitation agricole moderne intensive et mécanisée. Puis avec le chemin de fer
développement de l’habitat de banlieue et d’industries innovantes.
Cette histoire a créé les paysages urbains et ruraux familiers aux essonniens d’aujourd’hui, mais sans que cette histoire soit suffisamment déchiffrée et écrite, malgré les efforts remarquables des Archivistes départementaux et des historiens rassemblés dans le comité de recherches historiques sur les révolutions en Essonne.
La création, en 2000, d’un département d’histoire à l’université d’Evry fait naître une nouvelle génération de chercheurs dont on attend beaucoup.
Le projet de Franck Senaud répond avec une grande pertinence à cette attente. D’abord parce qu’il a lui-même créé un réseau d’habitants attachés à leur patrimoine local, qui réalise un fonds déjà très riche d’images et de photographies, et parce qu’il veut donner sens à ce recueil en définissant les repères historiques et stylistiques du patrimoine bâti départemental de la fin du XVIII e siècle aux années 1960, période qui a vu naître l’essentiel de nos centre villes et bourgs, mais qui a ensuite été oubliée dans la conscience collective du fait du déferlement des grands ensembles, des villes nouvelles et des lotissements communaux.
L’Essonne compte nombre de bâtiments remarquables de cette époque. Les identifier, découvrir comment ils ont été produits, quelle a été leur évolution, comment ils donnent toujours sa personnalité à chacune des communes où ils sont implantés est une tâche d’historien et d’artiste.
Et c’est aussi un besoin civique, pour que chacun s’approprie le terroir où il vit. C’est le projet de Franck Senaud.